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Rencontres Latines - 2025



La 39e édition des "Rencontres latines – Concours de version latine "Marius Lavency"- s'est déroulée le mercredi 12 mars 2025 de 09h00 à 13h00 à l'Université Saint-Louis Boulevard du Jardin botanique, 43 à 1000 Bruxelles, Belgique. Ce concours est destiné aux élèves de 6ème option latin. Près de 400 élèves  de 6e de l'enseignement libre francophone et germanophone ont répondu à l'appel.
Bravo à tous les participants !

Université Saint-Louis de Bruxelles :                                                                                                                Pour s'y rendre  :
http://www.usaintLouis.be                                                                                  http://www.usaintlouis.be/sl/731.html 

Documents à télécharger en version imprimable. Les documents 3 et 4 sont à renvoyer dactylographiés comme indiqué dans le document 2 adressé aux Professeurs.

1er envoi (cliquez ici pour 1 & 2 / cliquez ici pour 3 / cliquez ici pour 4)
  1. l'invitation adressée aux directions des établissements d'enseignement secondaire de l'enseignement libre francophone et germanophone
  2. l'invitation aux professeurs de langues anciennes
  3. un bulletin d'inscription des élèves
  4. un bulletin d'inscription comme surveillant (le matin), correcteur (l'après-midi)
2ème envoi : 

Présentation du concours et Programme de la journée

L'objectif principal est de permettre à de jeunes latinistes de tous horizons de se rencontrer autour d'un texte de Cicéron et de se mesurer avec lui. Tous les élèves de 6ème option latin désireux de prendre part au concours sont donc invités, quel que soit leur niveau de compétence. Le concours permettra en outre,
en principe, de sélectionner les participants au concours international de version latine à Arpino (Italie).
Une partie des frais de séjour et le voyage sont à charge du participant et/ou de l'école. 

Le Comité organisateur se permet d’insister sur la nécessité d’une motivation sérieuse sur base d’un engagement volontaire de la part des élèves participants. Veuillez insister sur le fait qu’il s’agit bien d’un concours et non d’un examen (cf. règlement sci-dessus).

dès
09h00 : accueil des participants
10h00 : début de la version (extrait d'une œuvre de Cicéron ; grammaire, dictionnaire ou lexique autorisés; pas
                de notes de cours)
13h00 : fin du concours - début des corrections
14h00 : activités de l'après-midi pour les élèves
16h30 : correction collective pour les élèves
17h30 : proclamation des résultats

(sommaire)

Texte de la version

Les charmes incomparables de l’éloquence

Dans le De Oratore (écrit en 55 a.C.n.), Cicéron fait dialoguer des orateurs à propos de l’éloquence.
Ici, l’orateur Antoine (143-87) vient d’affirmer : « 
Il me semble que dans l’éloquence le talent est tout,
et l’art bien peu de chose. »
Mais il précise ensuite sa conception de l’éloquence.  


Quamuis ars non sit, tamen nihil est perfecto oratore praeclarius. Nam (…) tanta oblectatio est in ipsā facultate dicendi, ut nihil hominum aut auribus aut mentibus iucundius percipi possit. Qui enim cantus moderatā oratione dulcior inueniri potest ? (…) Quid autem subtilius quam crebrae acutaeque sententiae ? Quid admirabilius quam res splendore illustrata uerborum ? (…)

Car il n’est aucune matière, susceptible d’être traitée avec grandeur ou avec élégance, qui ne soit du domaine de l'orateur.

Quis cohortari ad uirtutem ardentius, quis a uitiis acrius reuocare, quis uituperare improbos asperius, quis laudare bonos ornatius, quis cupiditatem uehementius frangere accusando potest ? Quis maerorem leuare mitius consolando [potest] ? Historia uero testis temporum, lux ueritatis, magistra uitae, nuntia uetustatis, quā uoce aliā nisi [uoce] oratoris  immortalitati commendatur ?

                                                                                                                                                               Cicéron, De Oratore, II, 33-36

Vocabulaire

 ligne 1 :  quamuis  + subj. :  quoique ;  praeclarior, ior, ius : comparatif de praeclarus, a, um :  brillant, remarquable

l. 1 :  oblectatio, onis, f. :  le divertissement, le charme  ;  facultas, atis, f. :  la capacité, le talent

l. 2 :  iucundius : comparatif de iucundus ou de iucunde  ;  percipere, io, cepi, ceptum : percevoir, écouter

l. 3 :  Qui est ici un adjectif interrogatif   ;  moderatus, a, um :  mesuré, harmonieux

l. 4 :  creber, bra, brum :  dense, épais, riche   ;   acutus, a, um :  pénétrant, fin, aiguisé

          splendor, oris, m. :  l’éclat, la splendeur

l. 6 :  ardentius : comparatif de ardenter : ardemment  ;  reuocare, o :  détourner ;  uituperare, o :  blâmer, critiquer

l. 7 :  cupiditatem frangere :  réprimer les passions

l. 8 :  maeror, oris, m. :  la tristesse, l’affliction  ;  leuare, o :  alléger, soulager ; testis, is, m. :  le témoin  ;  

l. 9 :   nuntia, ae, f. :  la messagère

l. 10 :  commendare, o :  confier

(sommaire)

Traduction de la version

Traduction du  lauréat 

 

    Quoiqu’il ne soit question d’art, rien n’est cependant plus remarquable que le parfait orateur. Un si grand charme réside certes dans le talent lui-même de l’éloquence, à tel point que rien ne pourrait être perçu de plus agréable pour les oreilles ou les esprits des hommes. Quel chant peut en effet être inventé avec plus grande douceur que celle de l’harmonieuse éloquence ? Or qu’y a-t-il de plus subtil que les avis riches et aiguisés ? Qu’y a-t-il de plus admirable que le propos mis en lumière par la splendeur des mots ? (…) Qui peut encourager plus ardemment à la vertu, détourner plus rigoureusement des vices, blâmer plus péniblement les pervers, louer plus élégamment les biens ? Qui peut réprimer les passions plus intensément en accusant et soulager la tristesse plus aimablement en consolant ? Par quelle autre voix l’histoire, le témoin du temps, la lumière de la vérité, la grandeur de la vie, la messagère de l’antiquité, est-elle vraiment confiée à l’immortalité si ce n’est par celle de l’orateur ?

Traduction,   de Edmond Courbaud, Les Belles Lettres, 1927

   L'éloquence a beau n’être pas un art, je ne sais rien de comparable à un orateur parfait. Car (sans mentionner l’utilité de l’éloquence et le pouvoir qu’elle exerce dans toute cité libre et ordonnée), le talent de la parole a en lui-même tant de charmes que rien ne peut produire sur l'oreille ou l’esprit une plus flatteuse impression. Y a-t-il musique plus douce qu'un discours bien cadencé ? (poésie plus harmonieuse qu'une période tombant avec art ? L'acteur, simple imitateur du vrai, nous fera-t-il plus de plaisir que l'orateur, organe même de la vérité ?) Quoi de plus délicat qu’une suite de pensées fines et ingénieuses ? de plus admirable qu’un fond d’idées embelli par l’éclat de l'expression ? (de plus substantiel qu'une parole nourrie de connaissances de tout genre ?) (Il n'est aucune matière qui n’appartienne en propre à l'orateur, dès que le langage doit la revêtir d’élégance et de noblesse.)(A l’orateur, quand on délibère sur les intérêts les plus graves, de développer un avis empreint de dignité ; à lui de réveiller le peuple de sa langueur ou de le modérer dans ses emportements. C’est lui encore dont l’éloquence précipite le crime à sa perte ou conduit l’innocence au salut.) Qui peut exhorter plus vivement au bien, détourner plus fortement du mal, blâmer avec plus d'énergie les méchants, louer les bons avec plus d’éclat, briser les passions par des attaques plus véhémentes, soulager la douleur par des consolations plus douces ? L'histoire enfin, témoin des siècles, flambeau de la vérité, (âme du souvenir), école de la vie, interprète du passé, quelle voix, sinon celle de l'orateur, peut la rendre immortelle ?

 

 

Traduction de "Nisard" (1840)
     
((https://agoraclass.fltr.ucl.ac.be/concordances/cicero_de_oratore02/lecture/4.htm)         

 

      Quoique l'éloquence ne soit pas un art, il n'est rien de comparable à un orateur parfait : car (sans parler ici de l'influence que le talent de la parole a toujours exercée dans les États libres et bien réglés), ce talent par lui-même a tant de charmes, qu'il n'est rien dont l'oreille ou l'âme des hommes puisse être plus agréablement flattée. Quelle musique plus douce qu'un discours harmonieux et débité avec grâce ! (quelle poésie plus mélodieuse qu'une période habilement cadencée ! L'acteur le plus parfait charme-t-il autant par l'imitation, que l'orateur par la vérité elle-même ?) Quoi de plus délicat que des pensées vives et pressées, de plus admirable que des idées embellies de toute la pompe de l'expression, (de plus achevé qu'une harangue où brillent tous les genres de beauté ?) (Car il n'est aucune matière, susceptible d'être traitée avec grandeur ou avec élégance, qui ne soit du domaine de l'orateur.)(C'est à lui d'exprimer noblement son avis dans le sénat sur les intérêts les plus graves ; c'est à lui de réveiller le peuple de sa langueur, ou de calmer la fougue de ses emportements ; c'est l'éloquence qui confond le crime, c'est elle qui fait triompher l'innocence.) Qui peut exhorter plus vivement au bien, détourner plus fortement du mal, flétrir le vice avec plus d'énergie, louer la vertu avec plus de magnificence, terrasser les passions par des coups plus violents, soulager la douleur par des consolations plus douces ? Enfin, l'histoire elle-même, le témoin des siècles, le flambeau de la vérité, (l'âme du souvenir), l'oracle de la vie, l'interprète des temps passés, quelle autre voix que celle de l'orateur peut la rendre immortelle ?

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sultats :

1.        KHAJOU Ilyan, Institut Saint-Boniface-Parnasse à Ixelles

2.        DEBROUX Marguerite, Centre scolaire Saint-Michel à Etterbeek

3.        RÖMER Anna, Centre scolaire Saint-Michel à Etterbeek

4.        VAN VYVE Alban, Institut de la Vierge Fidèle à Schaerbeek

5.        GINION Victoria, Collège Saint-Stanislas à Mons

6.        DE GAND Pierrot, Centre scolaire Saint-Michel à Etterbeek

7.        COLLET Clotilde, Institut Saint-Boniface-Parnasse à Ixelles

8.        RODRIGUES Beatriz, Institut Saint-Boniface-Parnasse à Ixelles

9.        MACQ Louise, Centre scolaire du Sacré-Cœur de Jette à Bruxelles (Jette)

10.    SPIRIDON Sabina, Centre scolaire Saint-Michel à Etterbeek

11.    DUCRUET Nina, Centre scolaire Saint-Michel à Etterbeek

12.    LION Elsa, Institut Sainte Marie Arlon à Arlon

13.    KETELAER Juliette, Collège du Christ-Roi à Ottignies

14.    HAMBENNE Lila, Institut des Dames de Marie à Woluwé-Saint-Lambert

15.    MASSON Arthur, Collège Saint-Roch à Ferrières

16.    JAROWIECKA Gabriela, Centre scolaire Saint-Michel à Etterbeek

17.    DE MÛELENAERE Aline , Collège Saint-Pierre à Jette

18.    LIENART Jeanne, Collège Notre-Dame de la Tombe à Kaine

19.    RONVEAUX Camille, Séminaire Notre-Dame de Bonne-Espérance à Estinnes

20.    CHARLIER Tanguy, Institut de la Vierge Fidèle à Schaerbeek

Ont obtenu une mention : 

BASTIN Lise
BORDIGNON  Guillaume
BOUCQUEY Valentine
CÉSAR Amaury
de la CROIX Maylis
DESTREBECQ  Lucie
ESPOSITO Lorena
FILICE Lorenza
GAETANI  Lise
GOOVERS Eléa
JONAS Gwendolyn
KERVYN Mahaut
KILOSHO  Astrid
KISSLING Marilou
LHEUREUX Mélisande

NGO Manoah
PÉCRIAUX  Loïs
RIVIERE Thomas
SCHELLEKENS Bénédicte
SELIM Zerda
SERVAIS Manuela
SHALA Clara
SIEGRIST Anouck
SWALHA Mohamed
TODORYUK NAVARRETE Marie-Stéphanie
VANDE POPULIERE Thomas
VAN WIM Julie
VANHONACKER  Louis
ZECCA Emma

Organisateurs, comité scientifique, comité d'honneur

Président d’honneur
Yves TINEL (Fondateur des « Rencontres latines ») 

Président
Didier XHARDEZ (Professeur à l'Université Saint-Louis -Bruxelles)

Comité scientifique :
Pierre ASSENMAKER (Professeur à l'UNamur)
Dominique LONGREE (Professeur à l'ULg  -  Professeur à l'USL)
Muriel LENOBLE (Docteur en Langues et Littératures classiques)
Nicolas MEUNIER (Professeur à l'UCLouvain)
Paul PIETQUIN (Chargé de cours à l'ULg)
Didier XHARDEZ (Professeur à l'Université Saint-Louis -Bruxelles )

Comité organisateur :
Christelle DECROËS
Jean-Claude DUPONT (honoraire)
Noëlle HANEGREEFS (honoraire)
Michel ROSSEEL
Eric SCARPA
Marie-Luce VERHASSELT

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Comité d'honneur :

M

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Allocution du Président des "Rencontres latines", Monsieur Didier XHARDEZ

 

Voici la version quelque peu remaniée de l’allocution prononcée par D. Xhardez à l’occasion de la proclamation des résultats de la 39e édition des « Rencontres latines », le mercredi 12 mars 2025, à l’UCLouvain-Saint-Louis (Bruxelles).

 

Au nom de l'équipe organisatrice de la 39ème édition des "Rencontres latines", je vous remercie de votre présence à cette proclamation. L'affluence n'est pas aussi impressionnante que celle de ce matin, sans doute à cause de l'heure tardive et du temps nécessaire à certains pour rejoindre leurs pénates.

Mais clôturer cette journée dans la foulée directe du concours et des corrections, devant un public de qualité, est pour nous la meilleure manière de couronner cet événement destiné à rassembler, autour du latin, élèves, professeurs et personnalités.

Pour ne pas vous faire trop languir dans l’attente des résultats, je vais tenter d’être le plus bref possible.

Je ne parlerai donc pas ici du tronc commun, dont la mise en place en septembre 2026 en 1re secondaire empêchera tous les élèves de première année de découvrir le latin dès l’âge de 12 ans. Sur ce point, je vous renvoie à mes allocutions précédentes disponibles sur le site des Rencontres latines ([1]).

Je ne parlerai pas ici des diverses mesures des gouvernements communautaire et fédéral portant atteinte aux métiers de service, dans les domaines de l’enseignement ou des soins de santé, par exemple. Cela au risque d’aggraver une pénurie déjà alarmante. Je vous renvoie simplement à notre Cicéron :
« Tout métier auquel on attachera du mépris, sera toujours négligé ! » ([2]

Je ne parlerai pas non plus ici des bouleversements de l’ordre international, malmené par les truculences des oligarques et ploutocrates, incompréhensiblement élus… ou pas. A nouveau, je vous renvoie à Cicéron disant à propos de Verrès, le véreux et cupide gouverneur de Sicile :
« Il a si mauvaise opinion de tous les hommes vertueux, il croit voir tant de corruption dans ces tribunaux qu'il s'applaudit tout haut d'avoir aimé l'argent avec passion, disant partout qu'avec l'argent il a acheté le temps même de son jugement, et par là même la facilité d'acheter le reste. »  ([3])

Toute ressemblance avec des personnages existants n’est malheureusement pas fortuite !

Non je ne parlerai pas ici de tout cela !

 

Pour être plus joyeux et positif, je préfère commencer par les indispensables remerciements ; j’évoquerai ensuite le texte de Cicéron et son actualité toujours aussi frappante ; et je terminerai par une courte évocation du concours d’Arpino.

 

Gratia mater uirtutum, « la gratitude est la mère des vertus ». Mon devoir et mon plaisir sont maintenant de remercier tous ceux sans lesquels cette journée n'aurait pu se dérouler dans les meilleures conditions.

Permettez-moi de saluer tout particulièrement

  • Monsieur Yves Tinel, le Président-fondateur des "Rencontres latines, qui les a portées sur les fonts baptismaux en 1985.
  • Madame Isabelle Hachez, Vice-Rectrice de l’UCLouvain-Saint-Louis, que je remercie vivement de nous avoir accueillis : ouvrir ses murs à plusieurs centaines d'élèves est un réel défi qui a pu être relevé d’abord grâce au soutien des autorités universitaires, mais aussi grâce au travail de diverses personnes qui ont assumé de nombreuses tâches, parfois assez ingrates. Je remercie ainsi tout particulièrement Madame Véronique Eloy, directrice du service Communications.

Merci aussi

- aux membres du Comité scientifique, parmi lesquels le Professeur Dominique Longrée qui a assuré la lecture de la version et la Professeure Muriel Lenoble qui en a fait une magistrale explication juste avant cette proclamation.

  • aux membres du Comité organisateur. Je tiens ici à témoigner une immense gratitude à Christelle Decroës, qui, depuis plus de 10 ans, ne ménage ni son temps ni son énergie pour assurer les multiples tâches inhérentes à l’organisation du concours. Vous n’imaginez pas les heures de travail nécessaires à l’équipe organisatrice pour rendre tout ceci possible. Merci donc aussi notamment à Eric, Marie-Luce, Michel et Paul.

Je remercie également tous les professeurs qui sont venus aujourd'hui tant pour encadrer les élèves et les soutenir moralement dans leur travail, que pour corriger les copies. Un travail de correction ô combien ardu rendu possible par la compétence et l'entraide de toute une équipe.

Et enfin merci aux près de 400 élèves qui ont envahi les auditoires ce matin.

 

Le texte qui leur a été proposé cette année était tiré du De Oratore. Cicéron y montre les charmes de l’éloquence, en insistant sur l’importance de l’histoire.  Je n’en citerai que ces mots : « L'histoire enfin, témoin des siècles, flambeau de la vérité, école de la vie, interprète du passé. »

Plus de 2000 ans plus tard, à l’heure du retour des plus horribles spectres du passé, qui pourrait contester l’importance de la mémoire et de l’esprit critique ?

Ils sont nombreux, philosophes ou experts en pédagogie, à en appeler à l’urgence d’apprendre à penser, notamment en raison du développement fulgurant de l’oxymorique « intelligence artificielle », du foisonnement pléthorique des « fake news » et autres théories complotistes.

A propos de son livre « A l’école du doute », le pédagogue Marc Romainville dit ceci : « L’éducation à l’esprit critique devrait faire partie de chaque matière : des sciences au français, en passant par les mathématiques et l’histoire ». ([4]) Faut-il s’étonner de ce qu’il ne parle pas des langues anciennes où l’esprit critique est pourtant constamment sollicité !

Dans son dernier livre, le philosophe et mathématicien Luc de Brabandere insiste sur l’importance de développer trois formes de pensées : la pensée logique, la pensée critique et la pensée créative. ([5])

 

Mais bon sang ! L’objectif premier des cours de grec et de latin n’est-il pas depuis des lustres de développer ces pensées logique, critique et créative ?
La version grecque ou latine n’est-elle pas l’application effective d’un raisonnement logique, d’une réflexion critique et d’une reformulation créative ? De là à voir dans ces appels à « apprendre à penser » la conséquence de la disparition progressive des cours de grec et de latin, il n’y a qu’un pas, que je franchis sans hésiter !

L’helléniste Jacqueline de Romilly, de l’Académie française, allait dans le même sens (je la cite) : « Le meilleur moyen de réagir sainement dans la vie est de percevoir les idées avec une profondeur humaine qui leur donne leur vrai sens. La compréhension qui naît ainsi chez l’élève est la forme la plus haute de l’intelligence ». ([6])

Intelligence, intelligereinter legere "lire entre les lignes" ou intus legere "lire à l'intérieur", c'est précisément le travail du traducteur. Un exercice difficile certes, mais complet, où sensibilité et rigueur scientifique doivent s'épauler tour à tour pour rendre la pensée d'autrui avec nuance et l'exprimer dans un français correct. Les qualités formatrices et thérapeutiques de la version latine sont indéniables, tant pour la rigueur du raisonnement que pour le maniement de la langue maternelle, ou encore l'esprit d'ouverture et de tolérance par rapport au message de l'autre. « Imaginer que le monde se dit en une seule langue : voilà la véritable barbarie » affirme François Ost, juriste et philosophe émérite de cette université, dans l’un de ses ouvrages prônant justement les vertus du multilinguisme et de la traduction. ([7])

 

Nullement passéiste, la lecture des auteurs latins et grecs peut offrir aux générations futures des références solides, des valeurs humaines, une vision critique du monde. Les textes anciens constituent pour eux ce tiers-objet qui les aide à prendre du recul par rapport à l'immédiateté de l'actualité et à se forger un jugement enrichi de la perspective historique qui sert tantôt de modèle, tantôt de repoussoir.

C’est donc bien notamment à l’esprit critique et au rejet du simplisme que forme l’enseignement des langues anciennes.

C’est ce qu’avait rappelé il y a deux ans à Louvain-la-Neuve, l’alors Ministre-Président de la Fédération Wallonie-Bruxelles, Pierre-Yves Jéholet, qui nous avait fait l’honneur de sa présence : « Etudier le latin, c’est découvrir à travers les textes un autre système de pensée, approcher la philosophie, insuffler un raisonnement logique ou encore mieux appréhender notre Histoire avec un grand H. Quelle richesse à travers un seul cours ! » ([8])

A la même occasion dans un message vidéo, la Ministre de l’enseignement obligatoire Caroline Désir affirmait que « sans le latin, c’est un pan entier de notre culture qui perdrait ses clés de compréhension. » ([9])

 

Mais trêve de réflexions, revenons à notre concours !

L’objectif de nos « rencontres latines » est, avant toute autre préoccupation, de réunir des jeunes de tous horizons, quel que soit leur niveau, pour leur faire vivre que l'étude du latin ne se résume pas à leur classe dans leur école, mais peut rassembler les foules.

Cela dit, les « Rencontres latines » sont aussi un concours de version. Et tout concours doit avoir ses lauréats, qu'il a bien fallu sélectionner.  C'est là aussi une école de vie, car il serait hypocrite, irresponsable, criminel, de laisser croire aux jeunes que tout pourrait se gagner sans effort, sans qu’ils soient les principaux acteurs de leur propre avenir...

Les 6 premiers lauréats d’aujourd’hui auront la chance de se rendre à Arpino, en compagnie de 12 condisciples francophones et néerlandophones pour représenter la Belgique à la 44ème édition du Certamen Ciceronianum Arpinas, le concours de version latine européen d’Arpino.

Voir ainsi le village natal de Cicéron accueillir plusieurs centaines de jeunes issus des quatre coins de l'Europe est une preuve supplémentaire de l'intérêt et de l'actualité de l'étude des textes anciens dans notre Europe en permanente évolution.

 

En conclusion, permettez-moi de lancer une dernière salve de remerciements à toutes les personnalités et organisations qui nous ont fait part de leur sympathie et de leur soutien et qui nous permettent d'offrir ce soir de nombreux prix.

Rappelons que la F.R.P.G.L. offre au premier lauréat un prix de 300 Euros.

Nous bénéficions aussi notamment de l’aide substantielle de la Fondation Roi Baudouin.

 

([1])      Par exemple, mon allocution de 2018 où je dénonçais déjà les risques du tronc commun.

([2])      Tusculanes, I, 2.

([3])      Contre Verrès, I, 3.

([4])      Dans Omalius, décembre 2024, p. 4.

([5])      Voir son interview dans La Libre Belgique, 28 décembre 2024, p. 20-21.

([6])      Citée par Xavier Zeegers, « Jacqueline de Romilly est partie, le monde s’est appauvri. »  in La Libre, 02 février 2011.

([7])      F. Ost, « Traduire. Défense et illustration du multilinguisme », Fayard, 2009.

([8])      https://www.rencontreslatines.be/Doc/2023-Discours%20rencontres%20latines-2023-PY-JEHOLET.pdf

([9])https://www.rencontreslatines.be/Doc/2023-Message%20vid%C3%A9o%20Ministre%20D%C3%A9sir.mp4

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pour l’attribution des prix 
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